ARTS SOCIAUX


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Journal d'un praticien
Variations 2002

Les origines du "Journal"


Prologue









Variation 1
Variation 2
Variation 3
Variation 4

Variation 5
Variation 6
Variation 7










Epilogue
Les publics acteurs

Les acteurs publics


Un personnage imaginaire va parcourir un espace virtuel en sept variations, et nous fera découvrir la symbolique des Arts Sociaux.

Cette brochure est une création collective sur quelques préoccupations contemporaines, abordées sous l’angle des réalités de terrain, et transposées dans une fiction.

Le récit y oscille entre « roman d’apprentissage » et « réalisme utopique »

C’est une Web-symphonie dans laquelle plusieurs voix tentent de résonner et raisonner en harmonie.

L’imaginaire Albert et le virtuel du Web, représentent-ils un moyen, pour des acteurs concrets, de parvenir à mettre en bons termes, la tradition culturelle et les connaissances nouvelles, dans le but de construire et de vivre, un présent réel, acceptable et même enthousiasmant ?


Le symbolique est accessoire, sauf quand on en a besoin



 Création collective en Arts Sociaux

« Chacun sa route, chacun son chemin », dit la chanson… tous praticiens mais tous différents, atomisés par nos pratiques, nos lieux d’action, nos dispositifs d’appartenance.
Nous conduisons des projets, animons des groupes et des quartiers, développons des zones rurales ou rurbaines, éduquons des enfants, organisons la vie sociale, aidons à construire ou reconstruire des itinéraires de vie, formons à la connaissance des textes réglementaires, à la citoyenneté et à la culture démocratique.

Oui, mais : « passe le message à ton voisin », poursuit la chanson, car l’artiste ne craint pas le paradoxe.

Pour passer le message, il faut déjà l’avoir formalisé, et si les praticiens des Arts sociaux réfléchissent leur pratique, chacun à leur rythme et leur  manière, seuls et en groupe, leurs chemins ne font pas une « chanson ». Le processus ne fait pas obligatoirement produit, praxis n’est pas poïesis, le pédagogue le sait, l’apprentissage n’est pas toujours « montrable » sur la scène.
Agir relève du travail quotidien, réfléchir sur son action relève d’un usage plus ou moins développé selon les personnes, les organisations et le temps disponible. Mais si l’art, pour être nommé comme tel est « construction et poésie à la fois » , il devient nécessaire d’arrêter l’action et la réflexion au bénéfice de la création, ce qui relève souvent du fait exceptionnel, d’un luxe inutile, d’une dépense inconcevable.
C’est pourtant à ce moment là que l’action prend son sens, son énergie et sa valeur.

C’est dans le moment de la création que l’action humaine convoque sa dimension culturelle et l’oppose avec force à sa dimension instrumentale. C’est le moment où l’action se réfléchit dans la culture.

Pour se faire, dans le cadre d’un stage de réalisation, nous avons choisi de « créer »  le personnage  d’Albert, figure née de l’intelligence collective, de « montrer »  son chemin pour personnaliser l’engagement dans un processus, de « développer » des variations sur des thématiques afin de permettre au lecteur d’identifier les fondements culturels de l’action.
La construction du récit tente de réunir deux modèles de processus : celui de la professionnalisation et celui du changement. La poésie viendra, nous l’espérons, des rencontres d’Albert, personnage imaginaire, avec des acteurs sociaux bien réels, et de son goût de la représentation et de la transformation des idées en formes.

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Prologue : figures de la réalité


La première fois que cela se produisit, c’était dans l’escalier. Albert venait de rappeler à Madame C la réunion du comité de quartier prévue ce soir-là. On lui répondit, visage fermé, « de toutes façons, j’irais pas, ça sert à rien, on ne fait que discuter ». Albert pensa, mauvaise humeur, pas grave, j’irai lui parler plus tard…
Quand il eut rejoint le groupe de jeunes qu’il accompagnait dans leur élaboration de projet, il sentit immédiatement que l’ambiance était tendue. S’informant des raisons de ce mécontentement apparent, il entendit répliquer : « ça commence à faire, depuis le temps qu’on discute, tu l’as eu ton projet, maintenant quand est-ce qu’on a le fric ? à quoi tu sers sinon ? ».
Bon, se dit Albert, tout d’abord indigné par la réaction du groupe, puis perplexe, mais qu’est-ce qu’ils ont aujourd’hui ?

Puis, après une après-midi fatigante, pendant laquelle il tenta péniblement de redéfinir avec l’équipe ce qu’était « un objectif éducatif versus un objectif pédagogique », il se rendit auprès du groupe d’enfants qui participaient, depuis quelques temps déjà, à l’atelier  Sensibilisation à la Démocratie. Et ne voilà-t-il pas que l’un d’entre eux s’exclame : « de toutes façons ça ne sert à rien de voter, c’est toujours les riches qui commandent, nous on décide jamais rien du tout!».

Trois fois, se dit Albert, il faut que je réfléchisse…
Je sais pourtant à quoi je sers, ou à quoi servent mes actions. J’ai réfléchi sur ma pratique, j’ai même écrit un mémoire. J’ai des méthodes, j’ai des outils, de l’expérience. Je suis sûr de l’intérêt de l’espace d’expression, de la confrontation, du conflit constructeur, de la dynamique du projet pour un changement partagé, bref, de la nécessité d’œuvrer pour la transformation sociale…
Est-ce qu’il me manquerait quelque chose ?

J’irai ce soir faire un tour sur les groupes de discussion de l’Internet, peut-être y aura-t-il un début de piste…

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Variation : 
Apparition d’un caractère nouveau, changement de degré ou d’aspect d’une chose, et procédé de composition qui consiste à employer un même thème en le transformant, en l’ornant, tout en le laissant reconnaissable.








Variation 1 : Où les Arts Sociaux me font penser à une tour bien connue


Là vraiment, c’est une surprise ! J’avais déjà rencontré sur le Web des groupes de discussion avec qui je partageais des préoccupations professionnelles, mais j’ai trouvé il y a quelques heures un groupe surprenant : ils se sont nommés les « praticiens des Arts Sociaux », et ils discutent un soir par semaine, librement, de leurs pratiques, de leurs réflexions, de leurs « théories ». De plus, ils ont apparemment produit plusieurs Cahiers pour ancrer et diffuser leurs idées. Il faudra que je me les procure, car j’ai bien l’intention de participer aux discussions, et j’ai commencé ce journal à l’instant pour garder une trace de ce bout de route que je voudrais faire avec eux. Je suis tout « réveillé », malgré l’heure, je voudrais raconter toutes les émotions qui me viennent au fur et à mesure de cette expérience, j’ai le sentiment d’une urgence.
Mais d’abord, commençons par le commencement, je vais retranscrire quelques moments qui m’ont semblé les plus intéressants, je parlerai de moi ensuite, ainsi je serai sûr de retrouver plus tard le chemin de mes réflexions…

En voyant le nom du groupe, j’y suis entré en les provoquant un peu, je dois l’avouer, par un questionnement serré…

Albert : comment définissez-vous les « arts sociaux»?
Alpha-Orion : c’est la grande diversité des compétences, de dons, de savoir-faire, qui existent pour faire travailler les gens ensemble, en particulier dans les associations. Ils apportent des avancées sociales, plus de justice et plus de liberté. C’est cela que nous appelons « arts sociaux», comme le définissait Condorcet.
Albert : et comment pensez-vous développer une dynamique ?
Alpha-Orion : ces dernières années, sous l’impulsion de la Jeunesse et des Sports, un réseau local s’est constitué afin de réfléchir. Nous avons pensé à rapprocher les associations les unes des autres, dans le respect de l’idéologie de chacune. Ceci permet une démultiplication des moyens et des résultats. De plus cette diversité permet à une démocratie participative de fonctionner de manière plus large.
 Albert : mais vous, comment vous définiriez-vous?
Alpha-Orion : je suis un praticien des arts sociaux. Mon ambition est d’amener les gens à devenir acteurs des politiques publiques. En termes de citoyens, ils doivent participer à la production de la Loi car « le seul pouvoir qui est légitime, c’est celui du peuple» comme l’affirmait Robespierre en 1790.
Albert : ça ressemble un peu à une approche par l’engagement personnel …
Mnémusys : les Arts Sociaux se dégagent des intérêts, que des professionnels de l’enseignement, du développement local, du travail social, de l’animation, de l’éducation, de la conduite de projet, de la gestion associative … des intérêts donc qui les poussent à « prendre le loisir » de chercher dans des domaines les plus variés des éléments qui leur permettront de « construire des comportements compétents » dans leur pratique et qui en conséquence seront source de changement pour eux et pour les autres.
Puck : les Arts Sociaux introduisent l’empathie dans les relations professionnelles, et comme dit Daniel Sibony , ils sont «  le lieu où la parole met en acte ses points de renouvellement, alors que tout est supposé acquis, déjà là, à commencer par la langue où l’on baigne, héritage qu’il n’y aurait plus qu’à faire tourner en rond » . C’est retrouver l’énergie créatrice pour redonner du sens à notre rapport à la réalité.
Moby Dick : …et si les Arts sociaux apostrophaient la formation? ... où plutôt, si la formation prenait prétexte de la réflexion déjà bien amorcée autour des Arts sociaux pour se « refonder » ? Si on réfléchissait sa pratique plutôt que poursuivre une éternelle réflexion sur sa pratique …
Albert : bon, je vois… ou plutôt je vois que ça se complique …
Arago et Ampère : nous, on est passés par toutes les couleurs de l’arc en ciel émotionnel avant de concevoir notre projet de « Maison des Arts Sociaux », on peut te raconter, si tu veux …
Albert : super, mais d’abord  j’aimerais faire un peu le point


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Faire le point est indispensable car ils ont l’air de savoir de quoi ils parlent, mais chacun à sa façon, ils parlent chacun leur langue, et tout cela ne m’aide pas forcément.
Donc c’est décidé, je mets tout cela par écrit dans un journal presque intime, car j’ai besoin d’une enveloppe protectrice, d’un cadre, d’un espace d’écriture et de mémoire qui ne soient pas que des notes éparses.
Il faut aussi que je prépare des questions, sans cela  je vais être un bouchon de liège dans l’océan de leurs paroles, et ma première question concerne tout d’abord le pourquoi de ma démarche de ce soir, et le pourquoi de ma rencontre avec ces « praticiens en Arts Sociaux ».
Il est vrai qu’il y a là une priorité pour moi, mais c’est trop général, il faut que j’avance par étape, avec un peu de méthode.

Je sais par mon expérience qu’il est évident que des gens réfléchissent sur leur pratique, et je me doute bien que ces réflexions doivent aboutir à forger des notions ou des concepts plus ou moins élaborés, mais là, c’est autre chose.

C’est un moment particulier et il y a longtemps que je n’avais pas ressenti pareille impression.
Pourtant ma réalité, la réalité, n’a pas changé et dans un court instant, presque déjà tout de suite, je suis certain qu’elle va reprendre ses droits, imposer ses exigences et à l’autre bout cette surprise que je vis un peu hébété, les yeux ronds, la bouche ouverte, va s’estomper lentement et faire place de nouveau à un existant bien connu, plein de problèmes mais au fond plutôt rassurant. (Oui, enfin pas toujours !)
Généralement les émotions arrivent quand on n’a pas, ou que l’on croit, ne pas avoir les moyens de faire face à une situation inhabituelle.
Le fait d’entrer dans ce groupe de discussion-là a été une surprise, un point c’est tout !

Mais non, à la réflexion ce n’est pas le groupe qui en est la cause mais bien cette expression d’arts sociaux, et d’autres aussi qu’ils utilisent. Je ne sais pas trop où je vais mais il faut que j’en sache davantage car si je ne retourne pas avec eux je crois que ça va être pire. La réalité me retomberait dessus avec son poids écrasant, je ne me sentirais pas très fier, je serais obligé de m’enfermer dans la routine, de faire comme si je ne savais rien, et être du genre je fais mon boulot, et voilà !

Non, tant pis, quelque chose est déclenché, enclenché, je ne colle plus tout à fait à ma pratique, à mes problèmes ... je ne suis plus tout à fait ma pratique, plus tout à fait mes problèmes.

Il faut maintenant que j’arrive à expliquer, à m’expliquer le pourquoi de cette surprise. Pourquoi une expression comme « réfléchir sa pratique » me pousse à vouloir chercher encore plus sur Internet, à écrire ce journal, à rechercher des bouquins.
Bon stop. Je vais dans tous les sens. J’ai dit « Méthode ». On classe, on ordonne, on hiérarchise :
D’abord, le choc, la surprise, c’est ce « réfléchir sa pratique » qui serait différent de réfléchir sur sa pratique. Mais c’est aussi l’expression « Arts Sociaux » et « praticiens en Arts Sociaux » qui viendraient en complément ou en remplacement, d’animateur, travailleur social, formateur, enseignant …et pourquoi pas les Arts Sociaux à la place de l’Education Populaire, ou comme nouvelle démarche d’Action Culturelle ? Là c’est un peu fort quand même !
Ensuite c’est moins surprenant, et même s’ils ont l’air très différents les uns des autres, je retrouve tout de même les fondamentaux d’un groupe centré sur la pratique et l’action : des analyses de situations à partir de leur pratique de terrain, des engagements, des flux émotionnels, des constructions de notions, des problématisations, des démarches de projets, enfin tout ce qui me rappelle ma formation et certains aspects (presque tous d’ailleurs) de ma pratique.
Donc ce sont des professionnels, globalement des champs éducatif, sportif, et culturel, qui s’entendent bien sur une idée et qui tentent de la fonder historiquement, théoriquement et de façon opératoire.
Si c’est ça, j’ai trouvé les moyens de faire face à la situation et donc je ne devrais plus éprouver une intense émotion de surprise.
Mais, comme on dit, je reste dans l’expectative.

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Variation 2 : Où les Arts sociaux me semblent essayer de remplir un tonneau troué


J’y retourne, je verrai bien si ça vaut la peine de continuer. Apparemment, il n’ont pas l’air d’être tous d’accord, tout au moins sur les mots…


Pépino : avant de parler d’Arts Sociaux ne faudrait-il pas d’abord définir avec précision les termes, et en particulier bien différencier les fondements et valeurs de l’éducation nationale et de l’éducation populaire ?
Albert : je croyais que vous l’aviez fait, puisque vous avez évoqué les « Cahiers des praticiens en Arts Sociaux »; c’est quoi au juste ?
Mnémusys : nous n’avons pas voulu en rester aux discussions. Après chaque rencontre nous nous fixons pour la fois prochaine, d’essayer d’écrire chacun un texte sur la préoccupation soulevée. Nous échangeons groupe par groupe nos productions et lorsqu’il nous semble que ça tient debout nous les mettons en forme pour une diffusion plus large.
Apis : ce qui m’intéresse ces sont les rapports entre l’Etat et le monde associatif. Comment favoriser une culture réciproque, respecter le « Régalien » et éviter trop « d’instrumentalisation ». Dans le Cahier 4 intitulé « Lien d’association », j’ai évoqué toutes ces questions et en particulier dans mon introduction on pouvait lire :   
« Le droit des associations est, certes, une matière qui n'a pas les mêmes attraits, dans l'esprit du grand public, que la plupart des supports utilisés pour la mise en œuvre d'actions d'éducation populaire ; austère et difficile d'accès pour les non-initiés, il supporte mal la comparaison avec les activités de plus en plus ludiques et interactives habituellement pratiquées en direction des jeunes et des moins jeunes, à visée d'épanouissement de la personne et d'intégration dans notre société.
    Et pourtant..., TOCQUEVILLE n'avait-il pas déjà tout compris, en déclarant, « Dans les pays démocratiques, la science de l'association est la science-mère ; le progrès de toutes les autres dépend du progrès de celle-là » ?
    Alors, si vous admettez, d'une part, que l'Art humanise le réel.
    Et si vous admettez, d'autre part, que la liberté du contrat d'association est l'exercice d'un droit primordial à l'accession à la citoyenneté et à la liberté d'être, alors pourquoi ne pas admettre parmi les Arts Sociaux, ce que TOCQUEVILLE appelle avec bonheur " la science de l'association " ? »
Puck : nous, on travaille sur une distinction entre professionnaliser les animateurs et professionnaliser l’animation et cela se traduit par une intervention directe en grandeur réelle, ce n’est pas de la théorie. On a produit le cahier 2 sur ce sujet.
Ampère et Arago : tu le sais, nous, c’est la mise en place d’une autre approche de la culture et du loisir dans la perspective d’une « Maison des Arts Sociaux », entre MJC, Maison du Citoyen, Centre social, Ecole de projets.
Moby Dick : la formation est un de nos énormes chantiers, et dans le cahier 10 j’évoque tout ce qui pourrait être fait pour redonner toute sa vitalité à cette fonction, dans nos secteurs.
Alpha-Orion : pour moi, l’enjeu c’est la citoyenneté, l’engagement des jeunes, la démocratie participative, une convivialité retrouvée comme je l’écris dans le cahier 7
Pépino : j’arrive, je suis nouveau  et mon travail pour l’instant porte sur une recherche historique pour mieux comprendre aujourd’hui sur quoi est fondée notre action.
Zibeline : oui moi aussi j’arrive et mes apports …
Albert : alors c’est quoi ton « Cahier » pour poursuivre la nomenclature ?
Mnémusys : alors on persifle !
Albert : on dirait un tour de table, ça devient lassant.
Zibeline : c’est vrai, mais je n’ai pas encore écrit de cahier, juste un article pour dire ce que m’inspirait cette expression d’Arts Sociaux, et il est important de savoir où ils en sont et si on peut entrer à tous moments dans leur groupe, voire devenir praticien soi-même.
Albert : oui, mais déjà ils jargonnent, « connivencent », à quand une sélection d’entrée, des diplômes, un Conservatoire, des pré requis, des référentiels métier, formation …
Moby Dick : tout juste cher ami, vous y êtes. Toute chose se conçoit, naît, se développe, décline et meurt, des humains comme des institutions !
Nous, on est au début, on émerge, on est instituant (enfin peut-être ?). Par la suite il est bien possible qu’on s’institutionnalise (certains le souhaitent, d’autres pas, mais maîtrise-t-on ces évolutions ?) et que l’on devienne « institués » voire institution, mais ce qui est créatif et intéressant, c’est bien ce processus d’institutionnalisation .
Albert : bon stop, pour moi c’est assez pour ce soir, bonne suite à vous.


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Disons le tout net après la surprise, la déception.
Elle est au moins aussi forte que mon étonnement du début.
Il est vrai que je suis intervenu dans une discussion en cours, en posant une question sur leurs cahiers. Tant pis pour moi. Mais ce côté content de soi, donneur de leçons et catalogue a eu le don de me mettre en colère. Ils n’entendent pas ma question, et ils font de la « pub » pour se justifier.
J’attendais des réponses, qu’ils me disent comment ils procèdent, en quoi ils font autrement et ils ouvrent sur d’autres questions, d’autres sujets. C’est un peu comme quand j’ai commencé à travailler. J’étais plein d’enthousiasme et d’attentes et très vite la réalité s’est révélée tout à fait différente. Le métier n’est pas ce que j’imaginais et il a fallu que je construise moi-même mon identité. Là c’est pareil, j’espérais autre chose. Ils sont décevants.
Hum !  Je ne me sens pas entièrement à l’aise et je bloque un peu.
Mes critiques sont justes, ils n’apportent pour l’instant aucun exemple pour démontrer ce qu’ils disent, mais un sentiment de  « j’ai déjà vécu ça » provoque un état d’alerte qui m’énerve et que néanmoins j’aime bien. Attention, il y a quelque chose. Ils sont comme ils sont, et la réaction affectée que j’ai eue, si elle est en partie provoquée par eux, provient aussi de quelque chose qui m’appartient. Ils m’énervent mais aussi ils « énervent » quelque chose en moi, et je me demande si leur questionnement ne commence pas à m’obliger à commencer à changer. Deviendrais-je « réflexif » ?


Variation 3 : Où les Arts sociaux me font passer de l’autre côté du miroir


Ce soir ils ne sont pas tous présents, je ne connais pas encore tous les pseudos, et j’aurais sans doute le plaisir de faire de nouvelles rencontres chemin faisant. Quand je suis arrivé, Puck racontait une histoire :


Puck : Par un mois de février glacial, je me trouvais dans les rues de Turin, la royale capitale du Piémont, accompagnant un groupe d'enfants en visite chez leurs correspondants italiens. L'insolite fait soudain irruption. Sur un mur particulièrement gris, d'une résidence intensément triste apparaissait ce message: «  Si, un matin, ouvrant tes volets tu ne vois pas le soleil,  soit tu es mort, soit tu es le soleil toi-même. » Un immense sourire s'est affiché sur les visages de ceux qui avaient capté cette vision fugace, puisque le car traçait son chemin dans la ville, et nous nous sommes mis à parler. Une sorte de magie faisant appel à l'intelligence, à la sensibilité, au cœur, avait opéré, car partant de là, quelques accompagnateurs du groupe nous sommes mis à échanger. Cette phrase détonant dans le paysage urbain nous avait réchauffés, détendant nos attitudes un peu raides, ouvrant l'espace de parole à nos individualités qui jusqu'alors n'arrivaient pas à se repérer, à se reconnaître. Le  travail avec ce groupe a commencé à vivre pleinement, au-delà du projet que nous avions doctement élaboré. 
Moby Dick : Qu’est-ce que tu en penses, toi ? Est-ce que tu crois que c’était un « déclencheur » de réflexivité, cette phrase ?
Puck : Je ne sais pas de manière sûre, mais si la réflexivité, c’est la vertu que j’attribue aux Arts sociaux, c’est pour moi une force vivifiante, « poïétique » (terme grec qui exprime la capacité à la création, à la créativité)  qui contrebalance le pernicieux pouvoir démoniaque des « phénomènes bureaucratiques » qui nous guettent et nous ligotent. Depuis que je suis quelque peu initiée aux Arts Sociaux, j'ai le désir de travailler autrement. J'aime sentir en moi ce nouvel enthousiasme, cette nouvelle ardeur au travail. C’est lié à mon identité, en train de devenir celle d'un être qui pense, exprime, agit, en plus qu'il exécute. J'aime  sentir mon identité pulser sous la peau de la fonctionnaire. Le rapport aux autres se réchauffe et l'affectif reprend ses droits. La réflexivité , pour moi, c’est aussi retrouver l’énergie créatrice pour redonner du sens à notre réalité. 
Moby Dick : C’est bien, ce que tu dis, parce que j’en avais un peu assez d’entendre seulement parler du fonctionnement cognitif de la réflexivité, tu sais, le sujet prend sa propre action, ses propres fonctionnements mentaux pour objet de son observation et de son analyse, il tente de percevoir et de comprendre sa propre façon de penser et d’agir, etc. Mais là j’ai l’impression que tu donnes du souffle à la notion, que tu la resitues dans un cadre de valeurs qui manque la plupart du temps.
Puck : Oui, oui, moi j’aime bien Edgar Morin, tu sais, et dans ce cadre de valeurs, j’aime bien penser que je résiste. Comme il dit : « Nous devons résister à ce qui sépare, à ce qui désintègre, à ce qui éloigne, tout en sachant que la séparation, la désintégration, l'éloignement gagneront la partie. La résistance c'est ce qui va à l'aide de ces forces faibles, c'est ce qui défend le fragile, le périssable, l'émergent, le beau, le vrai, l'âme. Résister d'abord à nous-mêmes, à notre indifférence et à notre inattention, à notre lassitude et à notre découragement, à nos vilaines pulsions et mesquines obsessions ». Pour moi, la réflexivité, c’est résister à la routine, c’est être ouvert sur l’émergent.
Albert : Salut, je suis là depuis un moment et je suis toujours surpris de votre utilisation des mots, on dirait que vous les « décalez ». Moi il me semble que tout le monde est capable de réflexivité, car c’est une nécessité pour agir. J’ai appris, il n’y a pas longtemps en formation que le modèle du « praticien réfléchi » est : savoir faire un aller retour entre « être en situation de réfléchir DANS l’action » - implication - et « passer à une situation de réflexion SUR l’action » - explication - en prenant le recul nécessaire. Et moi, j’ai vraiment le sentiment que je réfléchis dans l’action, et que je réfléchis aussi sur ma pratique, ça me paraissait simple, et à vous lire, ça se complexifie et ça m’inquiète.…
Mnemusys : oui, bien sûr, parce que, ce qu’on tente de dire, c’est qu’il faut surtout « réfléchir sa pratique » .


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Bon, j’arrête, j’ai envie de me centrer sur moi maintenant.
J’ai bien compris, ils ne disent pas, « réfléchir sur sa pratique », mais « réfléchir sa pratique», ou réfléchir sa ville, son époque, sa vie.
C’est un peu étrange quand même cette façon de parler, ça ne sonne pas très « français », ça plonge dans l’abstrait, ça me surprend énormément, (je retrouve ma surprise du début), ça creuse un fossé énorme entre mes questions, moi, ma pratique ... C’est un peu vertigineux.
Pour l’instant je ne sais pas trop quoi mettre sous cette expression, mais comme on dit, elle m’interpelle, elle me trouble, elle me surprend, car déjà j’en ressens des effets, et j’éprouve la sensation d’apercevoir confusément des débuts de réponse.
C’est comme une intuition!
Une intuition, un « déclic », une sorte de savoir non encore parvenu à la conscience et qui prend le pas sur tout le reste.
Cette fatigue que j’éprouvais, cette lassitude qui me pesait, ce sentiment vague d’impasse, d’isolement, de blocage, de fatalité inéluctable, tout cela s’estompe, recule, passe au second plan.
Tout pourtant est encore là, intact, inchangé, mais la préoccupation provoquée  par cette expression, ce raccourci minime, occupe mon champ de vision, mon espace de sensation, mon univers de représentation.
   
Il faut donc que j’arrive à expliquer, à m’expliquer de nouveau le pourquoi de ce « déclic »…Ce n’est pas la même surprise qu’au début et j’oserais dire qu’elle est plus réfléchie.
Je me répète, mais pourquoi une expression comme « réfléchir sa pratique » me pousse à vouloir chercher sur Internet, à écrire ce journal, à rechercher des bouquins. En l’écrivant, il me semble peut-être que la réflexivité c’est ça. Une façon de ne pas se référer à la routine, ou à la tradition, mais pour une part de plus en plus importante se référer aux connaissances nouvelles qui sont produites tous les jours en grand nombre. En s’intégrant dans mes perceptions, ces connaissances vont modifier constamment les conditions mêmes de ma pratique. C’est sans doute ce qui a provoqué cette impression de décollement.

Je ne sais pas ce que sera demain, mais c’est bien en pensant à des futurs possibles que je vais constituer mon présent. Sinon, ça signifierait que je ne peux que m’appuyer sur la tradition, pour ne pas mettre davantage en danger ma sécurité personnelle et augmenter mon sentiment d’insécurité.
Pas très clair : je veux dire que j’ai le choix entre me référer à la tradition ou me référer à des connaissances nouvelles pour agir. Mais dans le cas des connaissances nouvelles je me lance dans une vision de l’avenir qui est moins sécurisante. J’éprouve comme un sentiment d’insécurité et une menace sur ce que je suis. D’un autre coté je ne suis plus très sûr que la tradition soit désormais en mesure de m’aider à y parvenir.
J’attend encore beaucoup de ce groupe de discussion, parce que même si je réfléchis sur ma pratique, j’ai du mal à la décrire, je la connais trop bien, je n’arrive plus à montrer ce que je fais. Donc, j’agis, et c’est tout !
Il me revient une citation de G.H. Mead précurseur dans ce domaine, (non ce n’est pas vrai, j’ai été chercher dans son livre, L’esprit, le soi et la société) et qui m’oblige à un arrêt dans l’écriture : « Penser, c’est montrer ; penser une chose, c’est la montrer avant d’agir ».
La réflexivité, c’est sans doute cette capacité, cette compétence qui consiste à penser ses actes, donc à les montrer avant d’agir.

Je m’emballe, je m’enthousiasme, mais je ne suis pas certain d’avoir « montré » les éléments qui ont provoqué cette intuition. Interrompons donc l’action un court instant pour rechercher les causes.
D’emblée, je ne dois pas faire l’innocent, m’illusionner et jouer les imbéciles. Je ne me suis pas retrouvé dans ce groupe de discussion tout à fait par hasard.
Je suis compétent, je sais pourquoi je fais les choses comme je les fais, et si certains me prennent parfois pour un exécutant, c’est parce que je ne suis pas toujours en mesure d’expliquer sur l’instant, avec les mots adéquats le pourquoi de mes actes. Il est vrai que souvent pour préserver ma propre tranquillité je « routinise » comme dit Puck , je ne suis pas dupe, les autres non plus.
Donc, si je me retrouve avec eux, c’est que c’était un de mes possibles. Ce possible risque bien de modifier mon présent.
Deuxièmement il est clair que je recherche des connaissances nouvelles, en particulier sur la « toile », afin de conforter ou de modifier ma pratique.
Ma compétence principale sera le développement de cette capacité, et en conséquence ma référence pour l’action sera ma capacité à trouver des connaissances nouvelles. (L’ordinateur et Internet peuvent se révéler dans cette perspective un fabuleux facteur de création du changement. C’est une technologie qui contient du symbolique, et c’est cette dimension qui, sans doute, intéresse les Arts Sociaux).
Enfin c’est en imaginant des futurs possibles et en cherchant les connaissances nécessaires à leur réalisation que je vais créer mon présent.

Finalement, il me semble bien que la réflexivité doit être quelque chose de cet ordre, une recherche dans la culture des éléments qui me permettrons de voir, comprendre et imaginer ma pratique.
Et pour me comparer à d’autres, échanger, construire, vérifier que je ne suis pas seul dans un délire, je dois retrouver ce groupe dès que possible.

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Variation 4 : Où je découvre la pierre philosophale des Arts sociaux


Albert : Hé ! y a personne ? je suis venu avec Zibeline, ce soir,  et rien ne se passe ?
Moby Dick : Si, si, y a moi. Tu sais les soirs de foot, c’est plus calme… mais vous tombez drôlement bien, j’ai besoin d’un coup de main, et comme vous êtes « tout-neufs » vous allez pouvoir me dire si je délire…
Albert : vas-y raconte .
Moby Dick : je commence un stage « méthodo du projet » demain, et vraiment j’en ai plus qu’assez de la façon dont on l’aborde d’habitude, vous savez : objectifs, activités, résultats, moyens… et puis aussi diagnostic, mise en œuvre, évaluation… et un échéancier par-ci et un budget par là, un p’tit bout de stratégie, et une louche de communication, bref, j’en peux plus. Je crois que c’est à cause des modalités de validation, en formation comme sur le terrain : on écrit un document pour obtenir son diplôme ou son financement, et on perd complètement de vue ce que pourrait être une réelle réflexion sur les fonctions du « projeteur ». 
Zibeline : ça c’est vrai. C’est aussi à cause des dispositifs : devant la dégradation du tissu social, des mesures gouvernementales et institutionnelles ont été mises en place pour appuyer les initiatives locales et leur apporter des moyens supplémentaires. Avec le souci d’élargir le champ d’investigations et de proposer des pistes de développement, l’animation en fait pleinement partie, mais encore faut-il qu’elle s’impose comme une nécessité incontournable. Les enjeux sont nombreux, il s’agit de catalyser les différentes énergies afin de produire des initiatives locales.
Moby Dick : c’est drôle que tu dises ça, parce que je voulais justement qu’on travaille sur la catalyse. Il y a longtemps que je voudrais rendre cette notion opératoire, je suis sûre que ça pourrait changer la façon dont on se représente l’animateur comme « chef de projet ».
Albert : allez, zou, on y va pour la catalyse !
Moby Dick : d’abord, l’idée vient  d’une phrase de Joël de Rosnay : « c’est l’art de mettre en place les structures et les fonctions qui permettent à un événement de se produire. Dans le cas de l’organisation humaine, il s’agit de faire émerger l’intelligence collective par la mise en place de structures et de fonctions qui la favorisent ».
Albert : c’est très bien dit, mais ça ne dit pas comment faire !
Moby Dick : Par curiosité, j’ai été voir dans l’encyclopédie, sans trop d’espoir parce que je savais que c’était un terme de chimie, mais finalement c’est très « facilitant » pour faire une transposition dans notre domaine.
Zibeline : bon, alors raconte, c’est quoi exactement un catalyseur ?
Moby Dick : pour faire simple c’est une substance qui permet qu’une réaction soit possible entre d’autres substances. C’est une notion intuitive qui est passée dans le langage courant pour désigner, par exemple, une personne physique ou morale provoquant par son action ou son exemple une importante transformation politique ou sociale, dont elle n’est pas le moteur.
Albert : oui, oui, par exemple, quand mes parents sont seuls ils ne se disent pas un mot, et dès que je suis là, ils se disputent ! je les catalyse…
Zibeline : T’es joueur, toi, hein ?
Moby Dick : Ce qui est drôle c’est qu’on peut prolonger la métaphore, parce que dans l’encyclopédie on parle aussi « d’initiateur », qui produit une accélération du processus, mais ce faisant il est nécessairement détruit , et aussi « d’inhibiteur » (celui là il ralentit ou il supprime la réaction).
Albert : ah, oui, j’en ai connu, des comme ça ! les chefs de projet qui sont frénétiques au début et qui disparaissent dans l’action, et aussi ceux qui freinent tant qu’ils peuvent…
Moby Dick : juste ! en tous cas, ce qui distingue le catalyseur, il n’est pas détruit par la réaction, il peut servir encore après !
Bon, ensuite, toujours avec l’encyclopédie, il faut faire aussi la distinction entre un catalyseur  homogène (qui fonctionne en se dissolvant dans le milieu, bien sûr c’est beaucoup plus difficile de le récupérer ensuite), et hétérogène ou « de contact » (c’est un solide qui réagit au contact du milieu).
Zibeline : comme la légende de la pierre philosophale ?
Moby Dick : exactement ! et puis, on dit aussi qu’il réagit avec les molécules les plus inertes et les fait entrer dans le cycle réactionnel…
Zibeline : oh, là, je sens pointer la notion de motivation, ou plutôt de « conation » dont parle tout le temps Mnémusys..
Moby Dick : probable ! on va lui laisser le soin de développer !
Albert : Homogène, hétérogène, ça me fait penser à différentes « postures » caricaturales du chef de projet : le militant qui est partie prenante du milieu, « dissout » dans chaque niveau de l’action, tu ne sais jamais s’il est suffisamment distancié, s’il va s’en sortir indemne, et puis celui qui est externe au milieu et qui n’est pas assez impliqué, il « dirige » le projet.  Mais, bon, l’essentiel, c’est peut-être bien que la catalyse ait lieu…
 Moby Dick : allez, je finis sur ce que j’ai compris de ce qui altère la durée de vie du catalyseur , c’est étonnant, vous allez voir. Il peut mourir par empoisonnement ! c’est l’introduction accidentelle d’un corps dont les molécules sont très fortement absorbées par les centres actifs du catalyseur (ils se retrouvent bloqués).
Zibeline : oh, ça c’est l’effet Yoko sur les Beatles !
Moby Dick : toi aussi, t’es joueuse… bon, il peut mourir aussi par encrassement : une réaction secondaire forme à sa surface des produits indésirables de grande masse moléculaire.
Albert : ça, c’est quand tu ne gères pas tes émotions, t’es tout encrassé…
Moby Dick : et puis il peut aussi disparaître par frittage, j’aime bien le mot, ça veut dire « usure par friction avec le milieu » !
Albert et Zibeline : la routine , quoi !
Moby Dick : voilà, maintenant qu’on a un peu cerné la fonction principale, les postures, et les failles possibles du chef de projet/catalyseur, ça serait peut-être intéressant de chercher comment il peut « être » un catalyseur, de manière opératoire.
Albert : oui, oui, encore de la méthodo !
Moby Dick : très drôle… pas de la méthodo, mais peut-être  comment, en citant encore J. de Rosnay, « faire émerger l’intelligence collective par la mise en place de structures et de fonctions qui la favorisent ». Je voudrais aussi éviter  le mot « diagnostic », qui commence à me gaver, comme dit ma fille.
Zibeline : Alors, allons-y, c’est passionnant, comment est-ce qu'on peut mettre en place les conditions de l’émergence ?
Moby Dick : A mon avis, tout d’abord, pour qu’il y ait catalyse, il faut qu’il y ait contact entre les « molécules » en présence, y compris celles du catalyseur…
Albert : Est-ce qu’on ne peut pas se référer à une dimension « groupale » du déjà-vieux concept de l’écoute active ? si on pratique l’écoute active et qu’on incite par l’exemple les autres acteurs à la pratiquer aussi, on reçoit, on est imprégné, on porte sur soi un peu des autres et ça permet le contact…
Moby Dick : certes, certes, la première fonction opératoire serait donc l’écoute active, justement je trouve qu’elle n’est plus assez présente en méthodo.
Zibeline : oui, et puis il y aurait aussi une fonction de « traduction » qui s’ajouterait. Traduction ou reformulation en direction des acteurs, mais aussi, traduction du territoire, ça éviterait de trouver des « diagnostics » qui ne sont en fait que des états des lieux ou des « listes à puces » des éléments d’un territoire.
Moby Dick : C’est vrai, il faut savoir rendre « intelligent » le contexte, dans le sens de le rendre cohérent, de le « relier »… pour ça, il faut le passer à travers des filtres au moins à quatre niveaux : intrapersonnel (la psychologie propre aux individus), interpersonnel (l’ensemble des relations entre les individus), organisationnel (le système des structures qui régissent les relations), et sociétal (une vision politique, culturelle, etc.).
Albert : Encore faut-il maîtriser tout ça !
Moby Dick : bien sûr, mais la catalyse, ça doit demander des maîtrises au même titre que le « développement de projet ». Zibeline : moi, ce qui me tracasse, c’est cette notion d’émergence…
Moby Dick : alors la troisième fonction, ça serait peut-être  « l’éclairage » des faits émergents…
Zibeline : mais c’est quoi les faits émergents ?
Albert : ça me fait penser ce que j’ai appris de la systémie : « le tout n’est pas uniquement que la somme des parties », un système a une forme et la contextualisation de toutes les communications qui le composent crée des phénomènes de sens, mais aussi son fonctionnement même génère des émergences, des valeurs, des choses essentielles qui comptent pour les acteurs.
Zibeline : oui, mais comment les éclairer, comme vous dites ?
Moby Dick : à mon avis, on peut sans doute se rappeler et enrichir la notion de « fonction critique ». Un des premiers axes serait de faire émerger les valeurs de la culture, du groupe d’appartenance, des traditions, etc.). On peut pour cela se référer aux techniques de la « psychagogie ». Ensuite, il faut penser à transmettre, au sens de la médiologie, et comme le dit R.Debray, il faut un corps institutionnel, il faut se référer à des modèles théoriques, historiques. Et puis, il faut accompagner l’action en se référant à des méthodes, des savoirs-faire, des gestes professionnels.
Albert : oui, mais pour accompagner l’action, il faut encore qu’elle existe !
Moby Dick : c’est pourquoi la dernière fonction opératoire du catalyseur devrait être justement l’engagement de la réaction. La présence du catalyseur n’est pas suffisante en elle-même, il faut qu’il se serve de ce qu’il sait de la dimension conative.
Albert : la quoi ?
Moby Dick : ah, ah, si Mnémusys ne te donne pas sa réponse, tu chercheras, tu verras, c’est une notion très riche. Allez on termine, il est tard, qu’est-ce que le catalyseur doit faire à votre avis, une fois l’action engagée ?
Zibeline : il est là tout le temps de la réaction, il l’accompagne et il la laisse finir d’elle-même, jusqu’à ce que chacun ait récupéré ses molécules !
Moby Dick : ce que j’aimerais bien aussi, c’est qu’il n’évalue pas les résultats, dans le sens « efficacité/efficience », mais qu’il « qualifie  le changement », qu’il nomme ce que la réaction a produit.
Zibeline : mais comment ?
Moby Dick : eh bien par exemple en observant les nouveaux faits émergents, en vérifiant la présence de « liens d’associations » et de « gouvernance »… alors Albert, tu boudes parce que je t’ai dit de chercher ?
Albert : soupirs, soupirs, toutes ces notions à explorer


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Et bien, cette fois-ci, c’était productif ! J’ai trouvé très enthousiasmant de participer à la construction d’une « émergence » !  Je n’arrive pas encore à repérer si on s’est servi de la notion de catalyse en chimie comme métaphore, comme modèle théorique ou comme transposition dans un autre champ d’application, mais j’ai le sentiment que réfléchir le travail du chef de projet de cette façon doit être très satisfaisant. En tous cas, ça m’aurait sûrement évité d’entendre mes jeunes réclamer « du fric »  aussi brutalement ! Je sens que c’est comme ça que je dois faire maintenant, même si je ne suis pas tout à fait sûr que c’est moi qui ait parlé pendant cette discussion.  En tous cas, ça m’a permis de confirmer mon intuition, mon « déclic » comme je disais, et je me demande si je pourrais participer encore à la construction d’autres notions, ou bien si elles sont déjà « bétonnées ».. Je crois que c’est la première chose que je vais demander la prochaine fois. Vivement la suite !


Variation 5 : Où je tente de chevaucher le tigre des Arts sociaux


Albert : vous essayez de fonder en théorie votre approche, et à part la catalyse, je n’ai pas bien repéré si vos réflexions étaient achevées dans ce domaine et si, d’autre part tout cela était vraiment utile, par exemple pour une association.
Mnémusys : vaste programme en tout état de cause et loin d’être achevé. Nous balbutions nos notions et concepts. De notre babillage il ressort qu’il apparaît, que peut être, enfin sans doute, si on veux bien y prêter attention, bref on n’en sait rien, mais quand même, il apparaît donc que la catalyse est une notion centrale, car elle met en route de façon opératoire les moyens de l’intelligence collective.
Notre société en a un grand besoin.
Albert : oui, mais pour le reste …
Tous : il y a la gouvernance, le lien d’association, la catalyse donc, la psychagogie, la conation, les faits émergents, le loisir au sens de licet (avoir licence, la possibilité de, le loisir de) et non otium (paresse, oisiveté), la modernité avancée, la gestion des environnements dynamiques, la culture comme processus (« l’art est un processus, il émerge comme une métaphore qui crée sans cesse et ne s’accomplit jamais ». Herman Melville) et la réflexivité.
Albert : Ouf ! parlez pas tous en même temps. Dans quel cahier on peut lire tout ça ?
Tous : tous !
Albert : Bon  ça va, j’ai compris .
Gaston : c’est pas évident. Je suis arrivé récemment et il a fallu que je lise les douze cahiers d’un coup, tout ceux de l’année 2002. C’était les douze travaux … enfin tu vois !
Apis : chacun doit travailler à partir de sa pratique sur les préoccupations qui sont les siennes et sur ce qui émerge de son champ d’intervention. C’est le point de départ.
Gaston : on est pas à l’école ou à l’université, on est des « praticiens réflexifs ».
Albert : mais encore ?
Gaston : tu fais ton candide et tu maintiens ton extériorité au groupe, ça peut se comprendre, mais depuis que l’on discute tu dois bien commencer à te faire une idée.
Albert : oui, mais j’aime bien quand c’est toi qui le dit.
Puck : t’es un farceur, j’aime bien.
Moby Dick : sûr qu’il est farceur, mais il nous oblige aussi à nous poser la question de la transmission. Peut-on rester longtemps nous mêmes en émergence ? Tout notre système éducatif, la société, et même toute la tradition est basé sur la constitution d’un corps de connaissances, de règles, de valeurs, de comportements que certains sont chargés de transmettre à d’autres qui sont censés les acquérir.
Mnémusys : c’est peut être là que la réflexivité peut devenir utile.


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C’est peut être bête, mais là j’ai décroché.
Trop « intello », trop …
Non, ils m’énervent encore. Je suis même franchement en colère. Je m’attendais à refaire la même chose qu’avec la catalyse, et ils n’ont pas voulu. Puisque c’est comme ça, je vais aller chercher  moi-même des réponses.
Commençons par, par …voyons un peu, disons « conation », puisque Moby Dick me l’a conseillé, si c’est la bonne orthographe, car je ne connais pas ce mot comme beaucoup de ceux qu’ils utilisent. Le font-ils exprès car ce sont des intellectuels snob, ou bien font-ils l’effort de trouver des notions nouvelles pour éclairer un domaine nouveau. Bien entendu en l’écrivant je crois connaître la réponse.
Bien sûr qu’on ne peut pas toujours construire collectivement, et aussi toutes les notions ne relèvent pas forcément du domaine d’un enseignement. Il y a un effort personnel à faire, mais il me semble que leur groupe a réussit sur moi à activer justement cette dimension conative.
En fait je suis déjà moins en colère. Inquiet devant ce savoir nouveau à acquérir. Curieux des découvertes que je vais pouvoir faire. Plein d’espoir sur la conviction que ces « nouvelles connaissances » seront la cause de changements. Et surtout, je voudrais être reconnu comme faisant partie du groupe des praticiens.
Bon après quelques recherches, je note pour conation :
    L'ensemble des processus psychologiques aboutissant à l'action est nommé " dimension conative ".
    C'est une notion proche de la motivation et de persistance dans l'effort, c'est à dire dans une opposition à une résistance.
    C'est un terme utilisé en philosophie ( Spinoza, Hobbes), en linguistique (Jakobson) et en psychologie (Reuchlin) et méthode d'étude des comportements (ergonomie ,  marketing) .
    En animation, dans le monde de l'enseignement et du travail social, on l'utilise peu alors qu'on la trouve dans plusieurs ouvrages sur l'éducation sportive; par exemple dans le Guide de préparation du BEES 1 - pages 167 à 170, on peut lire : «  La composante conative : fait partie de la composante affective mais elle s'en distingue par le fait que les réactions affectives sont dans ce cas le reflet, la synthèse des conflits que livre l'individu pour adapter ses propres besoins aux modèles et interdits sociaux.  L'inconscient joue un rôle prépondérant dans l'élaboration de telles réactions. Cette composante comprend la volonté, les motivations liées à l'estime de soi, au besoin d'affirmation de soi. Elle sous-tend l'action à long terme, lui donne son intensité, son énergie, en engageant plus ou moins l'individu dans l'action, en lui donnant sa justification ( pourquoi fait-on telle chose ? ) ».
Bon, effectivement, c’est « qu’est-ce qui fait courir … » ( David, l’animateur, les gens, les acteurs, les jeunes, etc.)
    Si le psychologue est spécialiste du psychisme, l'enseignant de la transmission des connaissances, le médecin de la santé, etc., il faudrait expliquer pourquoi l'animateur socio-éducatif ou socioculturel ne s'est pas saisi plus tôt de cette fonction de l'être humain pour en faire sa spécialité. Il me semble tout de même très important quand on s’occupe de jeunes, de connaître les mécanismes qui interviennent justement dans la volonté d’action, dans l’engagement citoyen, etc. et de fonder sa pratique sur la mise en œuvre de ces processus.  Une des raisons tient sans doute à une utilisation particulièrement floue du terme de « loisir » qui mis à la sauce éducative ou culturelle perd à peu près toute signification pertinente. L’esprit du travail de Dumazedier n’a pas été assez repris au regard des évolutions récentes de la société concernant justement cette question. Pépino pourrait se pencher là dessus, lui qui aime étudier l’origine des institutions… J’aimerais bien qu’il nous aide à distinguer, loisir éducatif, loisir culturel et loisir d’action. Bon, mais avant revenons à la conation.
    Développer la fonction conative reviendrait dans le cadre de la formation à favoriser « l'engagement, conçu comme étant la capacité du système à développer auprès des apprenants un réel engagement en vue d'apprendre et/ou d'agir » . Je comprends pourquoi on peut s’en servir dans la phase d’engagement de la réaction, dans la catalyse…
    Par extension, c'est admettre que, pour qu'un loisir, un jeu, (voire un apprentissage, une réinsertion, une participation) engage la dimension conative, il faudrait qu'il comporte une phase, une part, une séquence, qui soit créée par les enfants, ( le public en général ), et que donc :
 - pour qu'une pratique culturelle soit facteur de changement il faudrait que…
 - pour qu'une association soit facteur de démocratie participative, il faudrait que …
 - pour que les Arts Sociaux soient une perspective pour de nouveaux praticiens et pour tout le monde, il faudrait que ...  (Je fais comme eux, je n’apporte pas mes réponses )
Dans les cas contraires les mots, éducatif, culturel, citoyen, démocratique, liberté, sont des alibis pour des pratiques consommatoires, passives, instrumentales, sujettes,  qui si elles n’ont rien de critiquables en soi, n’atteignent en aucun cas l’objectif et les valeurs qu’elles annoncent.
Alors se pose de façon cruciale le problème des compétences à posséder pour conduire une action dans l’optique des Arts Sociaux, et donc aussi les questions de la transmission et de la formation. Car j’ai bien l’impression que la tendance actuelle des formations ne va pas dans ce sens, et que l’Etat en se limitant à une fonction de réglementation et de contrôle, laisse un champ bien vide dans le domaine de l’axiologie. Or, toute pédagogie ne peut fonctionner valablement que si elle est fondée en théorie, basée sur des didactiques, légitimée par une axiologie. Il y a de plus en plus souvent absence de « culture d’action » dans les pédagogies de la formation. Le « Régalien » comme la pédagogie comporte toujours trois dimensions et non pas deux. Cette troisième dimension est toujours une prise de risque car elle favorise chez l’autre la mise en route de ses capacités conatives. Mais c’est un risque fécond, légitimant, créateur.
Nous sommes là au cœur de nombreux questionnements fondamentaux, depuis la culture jusqu’à la pédagogie en passant par le conseil, le management, l’exercice du pouvoir.
Cette notion de conation me pousse donc à identifier les facteurs qui poussent  durablement quelqu’un à l’action, comme le fait d’acheter tel produit et de maintenir son choix, le fait de voter ou non et de maintenir un comportement, etc.
L’important dans une telle définition n’est pas ce qu’elle dit du comportement des autres, mais bien ce qu’elle m’invite à faire moi-même. La question de la conation devient : quelle est ma capacité à développer auprès de « mes publics » un réel engagement en vue d'apprendre, d'agir, de voter, de développer des civilités et de la culture.
Prenons l’exemple une personne qui détient un savoir, une connaissance, une perception, un pouvoir, une expertise, une ressource, quelle stratégie va-t-elle adopter vis à vis d’une autre personne qui entre en relation (libre ou contrainte) avec elle,  au sujet de ce savoir, cette ressource, etc.
L’important n’est pas mon savoir, ma culture, mon pouvoir, mes règlements, mais bien ma capacité à faire et à refaire sans cesse le chemin pour que d’autres construisent du savoir, constituent de la culture, conquièrent du pouvoir, édictent des règlements. Cela ne remet nullement en question, le savoir constitué, la culture, le pouvoir et la réglementation, mais favorise chez l’autre la seule chose vraiment passionnante sur terre : avoir le sentiment d’une capacité à faire le monde.
Je retrouve l’idée du psychologue Winnicot qui parle d’un espace transitionnel, ni imaginaire, ni réalité, permettant à l’enfant le passage vers le monde réel s’il le parcourt avec un adulte « suffisamment bon ». Le sociologue Antony Giddens lui, parle de réalisme utopique, comme capacité des acteurs à imaginer un futur qui modifie leur « aujourd’hui ».
Pour permettre aux enfants et aux jeunes, d’être dans le monde (éducatif, culturel, social, politique) il ne suffit pas de le leur transmettre tel qu’il est, mais bien de mettre en place les conditions favorisant  chez eux un réel engagement en vue de le conquérir.
Il me semble qu’à un certain moment de ma carrière c’était ce que je pensais. Et puis …
Il me vient un autre exemple : à des jeunes qui ne voudraient pas payer leur cotisations  pour participer à une activité qu’ils ont en tête, faut-il proposer d’entrer dans le Conseil d’Administration pour changer le règlement, faut-il filtrer les entrées et refouler ceux qui n’acceptent pas l’adhésion, faut-il prendre tout le monde, en contradiction avec les règles institutionnelles, mais au nom d’une gratuité  plus ou moins justifiée … Toutes ces réponses sont envisageables en termes de « solutions » proposées par l’institution, mais l’essentiel est ailleurs bien sûr. Quelle est la capacité de cette organisation humaine à formaliser chez ces jeunes un véritable engagement dans la construction sociale de leur activité, et quelle est sa capacité à développer la dimension conative de ces jeunes, de façon à ce qu’ils adaptent (à partir d’un espace transitionnel) leurs propres besoins aux modèles, valeurs et interdits sociaux ?

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Variation 6 : Où je me tiens au lien pour retrouver mon chemin


Albert : que pensez-vous de ce que j’ai trouvé et écrit sur la conation ?
Tous : « il est des nô-ô-ô-ôtres, il a … »
Albert : ah, voilà autre chose, le style a changé ! on fait moins snob, tout d’un coup…
Gaston : tu as mis en route ta dimension conative et tu peux maintenant échanger avec nous sur toutes les autres notions.
Apis : il n’y a pas que sur les notions que l’on peut échanger.
Puck : j’espère bien ! ça finit par être prise de tête.
Ampère : à propos de conation on pourrait parler de la Maison des Arts sociaux ?
Tous : allez y racontez !
Ampère et Arago : Ce projet a été conçu pendant la période 1999 - 2002, période de réflexion qui a suivi les rencontres de la Sorbonne sur l'avenir de l'Education Populaire. On notera au passage que la refonte du projet associatif a fait suite à une demande pressante de l'équipe professionnelle de l'Association, qui dès 1998 faisait savoir au Conseil d'Administration qu'elle avait besoin d'un projet plus étoffé que celui qui déclinait les seuls principes énoncés par les statuts de la Fédération et les déclarations d'intention et d'actions prises en A.G. Bref, un véritable cadre de travail institutionnel correspondant à une réalité locale.
Albert : Et comment allez vous mettre ça en œuvre ? En quoi ça va être différent d’une structure classique ? Comment allez vous pratiquer ?
Ampère et Arago : doucement, doucement, c’est encore en réflexion, mais pour donner une citation d’ Ambrose Bierce : « Il n'y a rien de nouveau sous le soleil, mais il y a aussi tout un tas de vieux trucs que nous ignorons ».
Déjà on est sûr que pour nous, pratiquer les arts sociaux c'est :
•    mettre en pratique les capacités collectives et individuelles de l'Association à analyser son fonctionnement (là où l'on sait faire et que l'on croit que ça roule),
•    rechercher de la méthode dans les domaines nouveaux d'intervention (là où l'on bricole),
•    inventer et négocier des procédures dans la mise en oeuvre des consultations ou dans la prise en compte de déclaration, en vue de réponses manifestes (là où on nous demande d'avancer des avis).
En fait nous dirons que la mission d'arts sociaux a une double fonction :
- d'une part une fonction interne, transversale aux deux autres missions, celle de maison des jeunes (éducation) et de centre culturel (culture) : elle appelle à « réfléchir » l'Association,
- d'autre part une fonction externe qui nous oblige à l'articulation de nos pratiques avec le nouveaux domaines d'intervention : elle appelle à « réfléchir » la ville.
Albert : quand on a travaillé sur la catalyse, il a été question de vérifier la présence de « liens d’associations » et de « gouvernance »… est-ce que c’est ce que vous venez de dire ?
Mnémusys : avec ce débat nous sommes au cœur du réacteur social. Nous arrivons là où l’énergie se crée, se développe , se diffuse, se transforme, s’investit… Une force d’énergie sociale bien sûr, celle qui naît de la volonté des gens de faire des choses ensemble.
Albert : si tu pars dans de grandes considérations, je vais vite décrocher.
Mnémusys : c’est très juste, et dans de nombreuses associations, c’est exactement ce qu’on éprouve ; on ne prend plus le temps de discuter du projet associatif. Il faut courir les dispositifs, remplir les cahiers des charges, être technique, être rentable…
Albert : oui, mais souvent le projet associatif c’est du bavardage stérile où l’on ressasse toujours les mêmes idées et les bons sentiments.
Mnémusys : la gouvernance, pour nous, c’est cet art d’articuler efficacement les activités communicationnelles, et les « nécessités de l’entreprise associative ». Une association, quoi qu’en pensent beaucoup, n’est ni un contrat privé, ni une entreprise. J’insiste : l’entreprise associative et ses activités instrumentales découlent des activités communicationnelles et non l’inverse.
Albert : oui, mais tu sens bien que dans la réalité ce n’est plus très souvent le cas, l’instrumental consomme tout le temps et toutes les énergies, et c’est pourquoi on parle d’instrumentation et que l’on utilise des mots tout fait comme alibi, ou pour se donner bonne conscience…
Gaston : pourtant Ampère et Arago semblent s’en sortir plutôt bien, dans la production de ce lien d’association.
Albert : sans doute, mais pourquoi Arts sociaux, plutôt que projet citoyen, Education populaire, ou simplement MJC ?
Mnémusys : tu as raison, à la limite, peu importe. Ce qu’il faut c’est quelque chose qui permette de maintenir la force d’un projet associatif.
Albert : et pourquoi pas : être de bons gestionnaires, savoir trouver des partenaires, monter et conduire des projets, faire des réunions avec des institutionnels et des élus, et par une adroite communication faire valider et financer les dits projets… pourquoi Arts sociaux plutôt qu’autre chose ?
Mnémusys : dans « Arts sociaux » il y a explicitement l’intention de « manager » l’association, la formation, les groupes… par les activités communicationnelles et même plus : par « une culture de l’action »
Albert : c’est sans doute perte de temps, et pas rentable.
Mnémusys : ça évite la fracture sociale
Albert : ça c’est la meilleure, il y a longtemps que je ne l’avais pas entendue…
Mnémusys : prenons un exemple : une association qui conduit des projets locaux, avec des ressources locales, mais se fait « piquer » son projet, et bien sûr le financement qui va avec. D’autres, mieux organisés, ayant un réseau plus serré, des connaissances ou des appuis, ont mis en œuvre ce qu’elle faisait.
Albert : classique !
Mnémusys : oui, mais elle n’est pas contente, alors elle organise une réunion, un débat citoyen, avec des élus, des institutionnels, des responsables de dispositifs, et un praticien des Arts Sociaux. Elle aborde la question sur le plan technique, pratique, tout ce que tu veux, mais bon, elle s’est fait piquer son truc et puis c’est tout.
Albert : attends, on n’est pas dans la jungle
Mnémusys : attends toi même, le droit, la réglementation, la rationalité ont été respectés
Albert : oui, mais, ça ne se fait pas
Mnémusys : au nom de quoi ?
Albert : des valeurs !
Mnémusys : lesquelles ?
Albert : ben, je sais pas, l’éducation populaire, les valeurs civiques, la morale de base quoi !
Mnémusys : un peu court…
Albert : oui, c’est vrai, la rationalité du marché impose de plus en plus ses règles et ses valeurs dans nos champs de pratique, et les codes éthiques de la « culture de l’action » comme vous dites, eux, ne sont pas encore assez formalisés…
Mnémusys : c’est très juste, mais ce n’est pas fini car, à ce moment de l’histoire, tous se tournent vers le praticien en Arts sociaux car une problématique vient de se nouer.
Albert : comment ça ?
Mnémusys : il vient d’indiquer que, derrière certaines expressions magiques comme « éducation populaire », « projet citoyen », « engagement bénévole », il n’y avait ici plus grand chose d’autre que des stratégies, des enjeux, des survies…
Albert : tout le monde sait cela.
Mnémusys : oui mais un praticien des Arts sociaux le dit, dans ce genre de réunion, et ça provoque une très forte émotion, ça oblige à considérer que l’on pourrait faire autrement.
Albert : c’est ce qui s’est passé ?
Mnémusys : oui et non. Cette réunion avait pour but d’informer, d’expliquer et d’émouvoir. Lorsque l’on comprend que les valeurs sont en jeu, et que l’on est touché, on agit.
Albert : d’accord, mais sans le praticien en Arts sociaux, le résultat aurait été le même.
Mnémusys : peut-être, mais dans un espace culturel différent.
Albert : imaginons ce qui pourrait se passer dans une réunion sans le praticien.
Mnémusys : en n’évoquant pas les Arts sociaux dans cette autre réunion, ils peuvent avoir le sentiment d’économiser de l’énergie, du temps, d’être rationnels, d’être de bons agents de développement local, bref, toute la panoplie.
Albert : et alors ?
Mnémusys : en ne se référant pas à ce que nous nommons « la culture de l’action » ils vont obligatoirement être absorbé par la culture d’entreprise, la logique du marché, etc.. . et on va assister à une progressive et double instrumentalisation : celle bien connue maintenant de l’association prise dans son réseau d’influence et sans nécessité d’avoir un projet autre que la rationalité économique et le public concerné , mais plus grave encore, celle des élus politiques pris dans des jeux d’influence sans qu’ils soient porteurs eux mêmes de projets autres que la rationalité politique. Les dimensions culturelles et éthiques passent dans le meilleurs des cas au second plan, ou disparaissent purement et simplement.
Albert : et alors que devient dans tout ça la gouvernance ?
Mnémusys : tu ne peux pas conduire, valablement et durablement, un projet en t’affranchissant des valeurs, des croyances, des émotions, des représentations, de la dette, … bref de tout le bazar humain ! La gouvernance, c’est l’art de faire fonctionner tout ça de manière synergique, le lien d’association c’est la contractualisation de ce « tricotage » d’énergie, et c’est sans doute ce qu’Ampère et Arago tentent de faire en « réfléchissant leur Maison » : recréer ou retrouver une culture de l’action non strictement soumise à la culture de l’entreprise commerciale ou de services, au contrat juridique, au marché, et au modèle de la compétition sportive.
Ce n’est pas pour autant un monde de rêveur, « babacool », ou systématiquement opposant, sans rationalité et sans soucis de la rentabilité, c’est un monde où l’action puise son sens, sa force et ses valeurs dans toutes les dimensions de la culture humaine.


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C’est drôle ils utilisent presque tous cette fameuse manière de parler ou l’on ne réfléchit plus sur quelque chose, mais ou l’on réfléchit quelque chose, et je crois bien que je le fais aussi sans m’en rendre compte. Cette histoire d’énergie, ça me fait penser à ce que j’ai lu l’autre jour sur une idée d’Aristote  mise en parallèle avec la théorie mathématique de l’information. Aristote donne  deux significations au mot information. D’un côté l’information est comprise comme « acquisition de connaissances », c’est l’acte qui consiste à « s’informer ». De l’autre information signifie « pouvoir d’organisation » ou « action créatrice », c’est l’acte qui consiste à « informer », donner forme à la matière. Pour la théorie mathématique de l’information et les lois de l’entropie, « s’informer » c’est consommer de l’information et donc dégrader de l’énergie, tandis que « informer » dans le sens de « l’action créatrice » participe à la néguentropie.
On voit bien que la plupart des association font beaucoup de réunions de même nature que celle de l’anecdote de Mnémusys, elles font de l’information. Elles véhiculent des infos, des images, de la représentation en direction d’un financement ou d’une reconnaissance. Le développement du projet consomme de l’énergie (physique, intellectuelle, matérielle, etc.), elles vont dans le sens de l’entropie. Il manque pour l’équilibre des personnes, de la structure, de la société, des instances qui donneraient forme à la « matière associative ».
En fait, il s’agit d’être plus acteur, ou créateur, que consommateur, dans le sens d’un accroissement de la capacité de création de la société, d’une lutte perpétuelle contre le flux d’entropie, la dégradation de l’énergie. Là on pourrait vraiment parler d’une « rentabilité » qui se situerait ailleurs que dans le domaine des valeurs marchandes.

Finalement, je retrouve un peu de justification à mon action en me disant ça, peut-être que je suis prêt à accepter d’être un praticien des Arts Sociaux moi aussi, en sachant que ce n’est pas la même chose que lorsque je me disais animateur. Je distingue bien la différence entre mon « moi personnel » et ce que pourrais être mon « moi professionnel ». Avant je trouvais que c’était un tout, que j’étais « animateur dans l’âme »… une espèce de nébuleuse dans laquelle il ne fallait pas trop chercher, comme si le « tempérament » c’était tout ce qu’on attend d’un animateur, qu’il n’a pas besoin d’avoir une vision politique, dans le sens étymologique du terme, ni de démarche spécifique.

Mais il me semble qu’il reste quand même quelque chose à résoudre, entre eux et avec moi, ce que j’évoquais tout au début comme « l’espace d’expression, de la confrontation, du conflit constructeur, de la dynamique du projet pour un changement partagé, bref, de la nécessité d’œuvrer pour la transformation sociale » et que j’ai envie maintenant d’appeler conation, gouvernance, catalyse, réflexivité, etc. Est-ce simplement faire du neuf avec de l’ancien, du neo-réformisme, une façon de « re-nommer » la Vieille Mère, où bien est-ce vraiment la volonté d’être centré sur l’émergence et d’en induire les composants d’une pratique réflexive ?  A voir…

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Variation 7 : Où, si on se retourne, Elle se change en statue


Albert : pourquoi est-ce qu’on se dirait praticiens en Arts sociaux plutôt qu’animateurs, éducateurs, formateurs, directeurs de projet, finalement ?
Ampère : écoutez moi ça, on dirait qu’il veut reprendre le débat qui nous a occupé un bon moment cette année, lorsqu’ Arago est venu nous annoncer en pleine AG  « dorénavant vous n’êtes plus des animateurs, vous êtes des praticiens en Arts Sociaux ». Heureusement que le petit vin blanc et les galettes qui s'en suivirent, vinrent égayer l'assemblée mystifiée et abasourdie par ce qui apparaissait, pour le coup, comme les facéties incongrues du président.
Albert : et alors, qu’est-ce qui s’est passé ensuite ?
Ampère : Les réunions de réflexion, autour des arts sociaux se sont poursuivies. Après l'enthousiasme, le doute s'installa.
La notion des arts sociaux ne venait-elle pas dans les débats successifs en opposition, ou à côté-de, ou encore à la place de la notion d'Education Populaire ? N'étions nous pas en train de participer à un « relooking » en communication de la notion d'Education Populaire. Bref, faire du neuf avec du vieux refaçonné nouvelle tendance ? Ou tout simplement participer à un enterrement d'une notion apparemment éculée parce que par trop polysémique pour les uns ou historiquement obsolète parce que pas politiquement correcte pour d'autres ?
Albert : et vous étiez d’accord ?
Ampère : De cela il n'en était pas question. En routiers de l'éducation populaire nous n'étions pas de ceux qui veulent jeter la vieille mère avec l'eau du bain. Adopter la notion d'arts sociaux devenait difficile : il nous fallait en définitive être en accord avec notre histoire (nos histoires), avec notre posture. L'adhésion à cette notion nouvelle ne pouvait avoir de salut que par la mise à plat de sa légitimité pratique, de son bon usage au regard des principes, de l'histoire, des pratiques de l'éducation populaire et bien sûr au regard de la réalité locale.
Albert : et vous avez trouvé un compromis ?
Ampère :  un travail méningé à rebours nous a amenés à poser « l'art social » (au sens de Condorcet), comme la notion matricielle de ce qu'est devenu l'Education Populaire, quant à la notion d'arts sociaux, nous la percevons comme une notion dynamique, qui aujourd’hui interroge l'éducation populaire dans sa relation (ses pratiques) avec le monde contemporain et de nouveaux champs d'intervention…
Mnémusys : mais vous revenez toujours à l’éducation populaire un peu comme si vous ne vouliez pas faire le deuil de quelque chose de fondamental.
Ampère et Arago : là on est pas forcément toujours en phase
Moby Dick : je me permettrais bien de citer Lapeyronnie à propos de deuil : pour lui « l’éducation populaire serait : « faire que le peuple s’éduque pour devenir le vrai peuple, sujet de la souveraineté nationale, faire accéder le peuple à lui-même pour qu’il devienne le véritable peuple ».
C’est pourquoi, si ce raisonnement était pertinent et fort, à l’origine, c’était en raison d’un double problème lié à notre situation sociale : il nous fallait développer économiquement et culturellement un pays arriéré, et il fallait construire dans un pays divisé une unité nationale. Mais aujourd’hui ce projet a très largement abouti : l’unité nationale est construite, et le développement économique est réussi. Le combat est gagné…
On ne peut pas continuer pendant très longtemps à construire l'unité nationale parce qu'elle est déjà faite, et on ne peut pas pendant très longtemps continuer à penser que nous sommes une armée en marche qui doit se développer. Une fois qu'elle a gagné la bataille, les gens s'assoient en règle générale, et ils regardent autour d'eux. Et ils s'aperçoivent, ô surprise, qu'ils sont très différents, et que les problèmes qui vont se poser à eux sont un autre cas de figure, c'est non plus « comment se développer », mais c'est « comment vivre de manière égalitaire" »? ».
Albert : si l’éducation populaire a vraisemblablement gagné son combat, qu’est-ce qu’elle devient, elle disparaît ? Ne peut-elle pas trouver une nouvelle jeunesse dans le traitement de ce qui émerge et va émerger de la « mondialisation », de « l’intégration », de la « nouvelle Europe » ?
Moby Dik : ne pourrait-on imaginer que l’entité « Education Populaire » soit en voie de transformation en figure symbolique ? Les valeurs, les références historiques (de Condorcet à Uriage, en passant par Léo Lagrange…),  le rapport à une certaine « loi » (1901), les discours commémoratoires  (assises, colloques, etc.) semblent annoncer que cet objet pourrait être intériorisé en termes de symbole. Si l’on considère que la signalisation est le premier pas vers le symbole, comment ne pas interpréter dans ce sens les tentatives de « grand-messe » initiée par le Ministère de la Jeunesse et des Sports, aussi bien que par les grandes Fédérations, ainsi que les publications, sites Web et autres signes qui se manifestent actuellement.
Albert : c’est vrai, j’ai remarqué que les animateurs en formation, dont l’expérience de terrain est pourtant déjà significative au moment de leur entrée dans le cursus, apprennent de leur formateur tout de l’éducation populaire. Celle-ci n’est plus « dans la pratique », mais bien « dans les signes et les discours ».
Moby Dick : sans doute faut-il aller jusqu’au bout de cette symbolisation, faire en sorte que cette figure devienne « la garantie de l’identité collective et de la légitimité de ses enfants », et mettre de côté toute tentative d’en faire une figure opératoire.
Albert : bref, plus on se retourne vers elle et plus elle se fige…
Mnémusys : quelle culture, Albert !
Moby Dick : oui, elle se fige en modèle, elle devient élément du corps institutionnel qui permet la transmission, une référence théorique ou historique, comme on a dit pour la catalyse.
 Albert : oui, bon, c’est quand même toujours les mêmes qui parlent comme disent mes jeunes. Hein, Télémaque ?
Télémaque :  ben oui, je suis jeune, et en plus j’arrive… je me fais citoyen discret. Comme on dit : « Le lien entre gouvernant et gouverné est de plus en plus large, il n'y a plus de relation entre le pouvoir et le peuple ». Cette conception, des plus discutables, est cependant largement répandue dans les discussions citoyennes. C'est une notion qui n'invite évidemment pas à la participation sociale et à la vie démocratique du pays.
Mais j’ai envie de poser des tas de questions : par exemple, les arts sociaux sont-ils une solution à la « désertification citoyenne » ? Peuvent-ils susciter l'intérêt et l'envie ? Peuvent-ils être un moteur fédérateur ? Ou bien sont-ils simplement l'art de la gestion sociale, du maintien de la tranquillité, des valeurs acquises, des inégalités structurelles... ?
Si on considère que « les Arts sociaux sont constitués de l'ensemble des pratiques qui permettent les relations entre deux espaces de volonté ou deux réalités hétérogènes », on peut alors établir qu'ils reposent sur une mécanique liant deux entités volontaires sur une réalisation ou une concrétisation.
Il serait prétentieux et impossible de vouloir créer un cadre méthodologique défini et figé s'appliquant à tous types de situations. Dès lors, qui peut se réclamer des arts sociaux ? Peut-on et doit-on trouver quelques grandes lignes fédératrices ?
Peuvent-ils répondre à des volontés d'investissement personnel, peuvent-ils les encourager, les valoriser, susciter l'envie... ?
Mnémusys : comme nous tous, il te reste à vérifier tout cela…


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Finalement Télémaque c’est moi au début. Il arrive avec ses idées comme moi avec mes problèmes professionnels et si l’entrée n’est pas tout à fait la même, il y a des points communs ; je me retrouve bien dans ce qu’il dit. Ou plutôt, je me revois avant ma « période réflexive » !
Pour les autres c’est certainement une trajectoire identique, mais on ne connaît plus le début, les origines, les raisons. Ils sont là avec des élaborations plus ou moins construites, plus ou moins savantes, plus ou moins sophistiquées, mais au fond ce sont les mêmes questions, les mêmes inquiétudes, les mêmes espoirs.
Je ne suis plus un nouveau, un néophyte, un candide. J’ai fait un bout de chemin avec eux, ils ont cheminé avec moi, ils m’ont éduqué, ils m’ont fait beaucoup rechercher. A aucun moment ils n’ont voulu m’inculquer quoi que ce soit, me transmettre des valeurs ou un savoir, vérifier mes compétences, m’étalonner à l’aune d’un règlement et pourtant je respecte les lois, j’ai multiplié mes connaissances, j’ai un sens aigu des valeurs, j’ai réduit dans mes appréciations le poids de mes représentations, j’évalue mieux les risques de ma pratique, je me sens un acteur compétent et capable de réflexivité. J’ai modifié de façon durable mon comportement, j’ai appris.

Je vais arrêter mon journal ici, il a bien fait son office de matrice protégeant une gestation, et d’accompagnement d’un processus de deuil. Albert n’est plus : Vive Albert ! Ce journal, il m’a écrit plus que je ne l’ai écrit et il m’a produit « praticien en Arts Sociaux ». Merci à Alpha-Orion, Ampère, Apis, Arago, Gaston, Mnémusys, Moby-Dick, Pépino, Puck, Télémaque, Zibeline , et à celles et ceux qui arrivent.

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Epilogue : figures de l’avenir


Il va sans doute sembler difficile à Albert de faire un contenu de formation de tout cela, de manager une entreprise ou une association, d’élaborer une politique territoriale, un programme politique… et peut être même de répondre différemment à sa voisine Madame C. rencontrée dans le prologue.
Pourtant depuis quelques années on parle ( pour certains pays, pour le nôtre, pour l’Europe, pour l’entreprise ), de « bonne gouvernance » ; un sociologue inspire directement le Premier Ministre britannique, (ainsi que moins visiblement mais c’est à vérifier, car les concepts transparaissent dans leurs écrits et dans leurs décisions - nos propres Ministres, notre Patronat, les consultants de tous horizons, certains universitaires), sur ces notions « de modernité avancée, de  réflexivité, de production anthroponomique, de réalisme utopique, d’ acteurs compétents, de  gestion d’environnements dynamiques… »
Et, les animateurs, travailleurs sociaux, enseignants, formateurs, seraient  toujours à discuter et se quereller sur des notions sans plus aucune opérationnalité, ou sur des pratiques sans réflexivité ?
Albert va certainement mettre un certain temps, comme nous tous, à mesurer l’ampleur des changements en cours et à trouver les réponses adaptées.
Mais les 7 « Variations » sur le thème des Arts Sociaux  engagent certains professionnels vers un monde où ils se transforment en PRATICIENS.
Pourtant, en apparence c’est le même monde et l’on peut penser que rien n’a vraiment changé.
Mais, eux sont devenus praticiens, et ça change tout pour eux. En changeant, ça change déjà, un peu, le monde. On peut mesurer à cette occasion, le « travail de la Culture dans la transformation sociale et politique ».

Ils connaissent le chemin et la méthode pour développer leur culture d’action.

Tout cela n’est pas facile à imaginer, à concevoir, à mettre en œuvre, à valider, mais c’est tout de même un minimum à envisager, quand on sait que leur destin  est de  s’occuper du destin des autres.

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LES PUBLICS ACTEURS
Les terrains
Les mondes de l’éducation, du développement local, de l’économie solidaire, de la culture, des réseaux d’échange de savoirs, de l’animation, du travail social et d’autres.
Les cahiers
Les cahiers sont réalisés grâce aux travail de réflexivité des praticiens en Arts Sociaux, en particulier ceux de ; la Maison des Jeunes et de la Culture de Valbonne, la Maison des Jeunes et de la Culture Agora Nice Est, la Maison pour Tous « La Moutonne » de Grasse-Magagnosc,  l'Association Tzigane des Chênes Blanc, le service Culture et Animation de Saint Laurent du Var, du SIVoM du Canton de Saint Vallier, l’Office municipal Jeunesse et Culture de Peymeinade, des stagiaires et formateurs des formations TC BEES d'éducateurs sportifs, DEFA et DE-DPAD, des collègues praticiens, de tous les participants du stage de La Croix sur Roudoule et de celles et ceux qui ont bien voulu suivre tout cela, avec intérêt, perplexité ou amusement.
Les voix du stage de réalisation
Alpha-Orion, Ampère, Apis, Arago, Gaston, Mnémusys, Natura, Pépino, Puck, Télémaque, Zibeline




LES ACTEURS PUBLICS
Le ministère de la Jeunesse, de l’Education et de la Recherche
Le ministère de la Culture
La Direction Départementale Jeunesse et Sports des Alpes Maritimes
Téléphone 04 93 19 40 00           rene.blanc@jeunesse-sports.gouv.fr

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